Barbed Wire

Bill C-331
The Ukrainian Canadian Restitution Act
Projet de loi C-331
Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne
Inky Mark, MP

Barbed Wire

38e Législature, 1re Session
(4 octobre 2004 - )
Hansard révisé · Numéro 040
Mardi 12 octobre 2004
17:30 - 18:30

(1730)

La présidente suppléante (L'hon. Jean Augustine): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

Initiatives parlementaires

[Initiatives parlementaires]

[Traduction]

Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC) propose que le projet de loi C-331, Loi visant à reconnaître l'injustice commise à l'égard des personnes d'origine ukrainienne et autres Européens par suite de leur internement pendant la Première Guerre mondiale, à marquer publiquement le souvenir de cet événement et à prévoir une indemnisation devant servir à l'éducation du public et à la promotion de la tolérance, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Décision de la présidence

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Avant que nous ne passions aux initiatives parlementaires, je voudrais vous lire une décision sur le projet de loi C-331, Loi visant à reconnaître l’injustice commise à l’égard des personnes d’origine ukrainienne et autres Européens par suite de leur internement pendant la Première Guerre mondiale, à marquer publiquement le souvenir de cet événement et à prévoir une indemnisation devant servir à l’éducation du public et à la promotion de la tolérance.

La présidence a étudié le projet de loi C-331, Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne, pour voir si ses dispositions exigeaient une recommandation royale, auquel cas la présidence ne pourrait mettre aux voix la motion portant troisième lecture.

La présidence a étudié les dispositions sur l'indemnisation et a conclu qu'elles ne nécessitent pas une recommandation royale, car tout versement dépend de l'aboutissement d'un processus de négociation, dont les détails demeurent hypothétiques pour l'instant.

Je me pose cependant une question sur l'article qui propose d'établir un musée dans les limites d'un ancien camp de concentration de la Première Guerre mondiale.

À première vue, il me semble que construire, entretenir et doter d'un personnel un musée, même petit, nécessite des fonds publics. Comme ce peut être une question complexe de savoir si une recommandation royale s'impose, je soulève la question dès maintenant pour inviter le parrain du projet de loi, et tout autre député intéressé par la question, à présenter à la présidence un exposé de leur opinion au sujet de la nécessité d'une recommandation royale.

Je tiens à donner aux députés assez de temps pour réfléchir à la question. J'invite les intéressés à communiquer avec le Bureau des affaires émanant des députés pour prévoir le moment de leur intervention.

J'ai demandé à ces fonctionnaires de coordonner les interventions pour qu'elles puissent avoir lieu avant que le projet de loi ne soit de nouveau débattu, ce qui donnera à la présidence le temps de réfléchir à leur argumentation lorsqu'elle se prononcera à la reprise du débat de deuxième lecture.

Aujourd'hui, le débat sur la motion portant deuxième lecture débutera. Nous allons procéder comme prévu.

Deuxième lecture

M. Inky Mark: Madame la Présidente, je remercie le député de Vegreville--Wainwright d'appuyer la motion.

C'est un grand honneur pour moi que de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-331, loi visant à reconnaître l'injustice de l'internement des Ukrainiens. Cette mesure a été déposée à trois reprises à la Chambre, mais elle n'a jamais fait l'objet d'un débat.

Madame la Présidente, je vous remercie des renseignements sur le projet de loi que vous avez présentés ce soir.

La première fois que la question de l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne a été débattue, c'est lors de la présentation en septembre 1991 d'une motion par le député de Kingston-et-les-Îles. Cette motion avait recueilli l'appui de tous les partis, mais n'avait eu aucun effet sur le gouvernement.

Quelle est la genèse du projet de loi C-331? Le projet de loi C-331 a été conçu en collaboration avec la communauté ukrainienne du Canada, qui compte aujourd'hui près d'un million d'âmes. Le projet de loi jouit de l'appui du Congrès ukrainien canadien et de l'Association ukrainienne-canadienne des droits civils.

Je voudrais remercier maintenant le président du Congrès ukrainien canadien, Paul Grod, de son soutien. Je voudrais également remercier le président de l'Association ukrainienne-canadienne des droits civils, John Gregorovich, ainsi que le Dr Lubomyr Luciuk et Borys Sydoruk. De même, je voudrais remercier le président de la Taras Shevchenko Foundation, Andrew Hladyshevsky. Il y a aussi des milliers d'autres Canadiens d'origine ukrainienne qui ont travaillé très fort depuis vingt ans.

Le projet de loi C-331 est essentiellement une mesure qui appartient à la communauté ukrainienne du Canada, laquelle demande depuis plus de 20 ans réparation pour l'internement. C'est long 20 ans. Et l'appel est resté sans réponse pendant la plus grande partie de cette période. Quantité de promesses faites par la classe politique, par des députés siégeant dans cette enceinte, ont été brisées depuis deux décennies.

La plus célèbre de ces promesses est celle qu'a faite l'ex-premier ministre, Jean Chrétien. En fait, je voudrais lire ce soir à la Chambre une lettre qu'il a écrite à M. Thor Bardyn, le président du Congrès ukrainien canadien, en juin 1993, lorsqu'il était chef de l'opposition officielle. Il a dit:

Jean Chrétien a eu l'occasion à de nombreuses reprises pendant ses trois mandats de premier ministre de s'occuper de l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne.

Manifestement, il n'a tiré aucune leçon du règlement conclu antérieurement par le gouvernement Mulroney pour réparer les injustices commises envers les Canadiens d'origine japonaise. Le gouvernement Mulroney a fait ce qu'il fallait faire et a agi de manière responsable pour régler la question de l'indemnisation des Canadiens d'origine japonaise. On me dit en effet qu'à l'époque, la réparation à accorder aux Canadiens d'origine japonaise n'a pas fait l'objet d'une motion ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire déposé en Chambre. Le gouvernement de l'époque savait ce qu'il convenait de faire et il a agi en conséquence.

J'aimerais vous parler un peu de l'internement, parce que nous sommes nombreux dans notre pays, et je fais partie de ce nombre, à ne pas avoir été au courant de l'internement des Ukrainiens. Je ne l'ai appris que lorsque je suis devenu député en 1997. Nos livres d'histoire sont muets là-dessus. C'est un événement que personne ne connaît. Manifestement, le gouvernement au pouvoir à l'époque ne voulait pas que la chose se sache. Nous les Canadiens, nous voulons connaître notre histoire. Nous voulons tirer des leçons de notre histoire. Voilà pourquoi il est important d'admettre et de reconnaître que ces faits historiques ont bel et bien eu lieu.

Le projet de loi C-331 veut faire reconnaître ces faits. Je tiens à signaler encore une fois qu'il s'agit de reconnaissance et non de regrets à l'égard de « l'injustice commise à l'égard des personnes d'origine ukrainienne et d'autres Européens par suite de leur internement pendant la Première Guerre mondiale, à marquer publiquement le souvenir de cet événement et à prévoir une indemnisation », c'est-à-dire une indemnisaation égale à la valeur des biens que les Canadiens d'origine ukrainienne se sont fait confisquer. En d'autres mots, à l'époque, les biens des personnes internées ont été confisqués par le gouvernement du Canada. Ces biens ne leur ont pas encore été remis. Voilà ce que l'on entend par indemnisation.

(1735)

Cette indemnisation, quel que soit le montant qui sera négocié, doit être consacrée à la sensibilisation du public et à la promotion de la tolérance et du rôle de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela me paraît être canadien. Cela semble rationnel et c'est sensé.

En d'autres termes, le projet de loi C-331 réclame deux mesures.

On demande premièrement de reconnaître que cet internement a eu lieu et qu'il fait partie de l'histoire canadienne. Nous ne pouvons échapper à notre histoire. Nous devons l'accepter. Nous devons accepter le passé. Nous ne pouvons le changer.

De plus, le gouvernement en place doit négocier avec la communauté ukrainienne l'établissement d'une fondation destinée à raconter l'histoire de l'internement des Ukrainiens à tous les Canadiens afin, on peut l'espérer, que cette histoire, cet événement sombre, ne se reproduise plus. C'est le principal objectif de cette question d'indemnisation.

Il est temps que le gouvernement règle toutes les questions d'indemnisation. N'est-il pas ironique que le gouvernement actuel envoie jusqu'à 500 observateurs en Ukraine et soit prêt à payer la facture pour veiller à ce que la démocratie soit protégée en Ukraine?

J'appuie la décision du gouvernement. Il n'y a rien de mal là-dedans. Pourtant, en même temps, le gouvernement continue de nier que des droits démocratiques ont été retirés aux Ukrainiens au Canada entre 1914 et 1920, lorsque plus de 88 000 Ukrainiens ont dû s'enregistrer comme de vulgaires criminels. Ils devaient se présenter chaque mois au poste de police et faire estampiller leur carte d'enregistrement. Plus de 9 000 ont été internés. Ils se sont retrouvés dans des camps de concentration, l'internement étant simplement un beau mot pour désigner les camps de concentration. En fait, ils ont été plus maltraités que les prisonniers de guerre, car, aux termes de la Convention de Genève, un pays ne peut forcer des prisonniers de guerre à travailler, à se charger de tâches domestiques, à travailler en fait comme des esclaves, sans qu'il n'en coûte un sou au pays.

Plus de 9 000 personnes ont été internées et de ce nombre, plus de 5 000 étaient des Canadiens d'origine ukrainienne. Le gouvernement n'a plus d'excuses après avoir nié les faits pendant deux décennies. L'internement des Ukrainiens au Canada est un fait historique. J'ai demandé au gouvernement si c'était trop demander qu'il reconnaisse ce fait historique.

Il est temps pour le gouvernement d'agir de façon responsable et de reconnaître ce tort historique. Je suis persuadé que la plupart des Canadiens vont être d'accord avec moi là-dessus. Il est temps de s'attaquer à cette question et à d'autres questions d'indemnisation.

La chose responsable à faire est de reconnaître l'injustice qui a été commise et de travailler avec la communauté ukrainienne à la recherche d'une solution. C'est une question de justice. Après tout, nous, les Canadiens, aimons nous décrire comme une société juste. En fait, nous nous vantons de par le monde d'être un pays qui repose sur l'ordre, la justice, la tolérance et l'acceptation. Il est peut-être temps que nous acceptions notre propre histoire et que nous en tirions les leçons.

La communauté ukrainienne du Canada, qui compte un million de membres, attend depuis longtemps que justice lui soit faite. Je sais que je serai bientôt à cours de temps et je vais donc lire un poème composé par Kari Moore, de Victoria, en Colombie-Britannique. Il y a un ou deux étés, une plaque sur laquelle figure ce poème, dédiée à la mémoire des personnes internées, a été installée dans un parc sur le site du festival ukrainien national. Ce poème a pour titre Internement. Il raconte l'histoire des internés.

(1740)

En terminant, je remercie de leur appui tous les députés qui prennent part à cette première heure de débat sur le projet de loi C-331.

(1745)

L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Madame la Présidente, je félicite le député de Dauphin—Swan River—Marquette. Je suis d'accord avec l'objet de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Il est important pour les Canadiens de remettre cette question en contexte. Il est très important pour nous en tant que députés et pour la société canadienne de comprendre que la Charte des droits et libertés n'est pas tombée des nues. Elle découle d'injustices survenues au cours de l'évolution du Canada qui a mené au genre de société que nous avons aujourd'hui.

Lorsqu'on examine plus précisément ce qui est arrivé aux Ukrainiens et leur internement durant la Première Guerre mondiale, il est important de comprendre une partie de l'histoire. L'Ukraine faisait partie de l'Empire austro-hongrois, contre sa volonté, je le précise. De nombreux Ukrainiens qui n'étaient pas particulièrement heureux du joug qu'ils subissaient en Ukraine ont quitté leur pays pour venir s'établir au Canada. Ils sont venus au Canada pour trouver une nouvelle vie, pour devenir Canadiens et pour s'intégrer à la société canadienne.

Toutefois, lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, la Enemy Alien Act a obligé les gens originaires de l'Empire austro-hongrois à s'inscrire comme sujets d'un pays ennemi et quelque 5 000 d'entre eux ont été internés, la plupart d'origine ukrainienne.

On peut facilement imaginer à quel point il a pu être troublant pour les nouveaux immigrants arrivés dans notre pays, de se faire interner du jour au lendemain à cause de quelque chose qui se produisait ailleurs dans le monde. Comme le député de Dauphin—Swan River—Marquette l'a dit, si des personnes avaient été internées, elles devaient ensuite s'inscrire auprès de la police chaque semaine.

Comment des choses pareilles peuvent-elles se produire? Elles se sont produites parce que, à l'époque, il y avait du racisme. Nous avions des races supérieures et des races inférieures. Cela n'est pas arrivé qu'aux Ukrainiens. Comme l'a dit le député, c'est arrivé aussi aux Canadiens d'origine japonaise qui ont subi les mêmes horreurs au cours de la Seconde Guerre mondiale. Nous savons aussi, ça fait partie de notre histoire, que nous avons eu la Asian Exclusion Act qui visait à restreindre l'immigration asiatique et la Chinese Head Tax, la taxe d'entrée imposée aux immigrants chinois. Nous avons discriminé contre toutes sortes de minorités. C'était la réalité à l'époque.

Cependant, je pense que ce sont les souffrances subies par tous ces groupes, notamment les Juifs qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, cherchaient un refuge pour fuir l'Allemagne nazie et se sont fait rejeter, ce sont ces souffrances qui sont à l'origine de la Charte des droits et libertés. Le député a dit qu'il faudrait adopter des mesures de redressement plus générales. La Charte des droits et libertés le reconnaît, c'est pourquoi nous l'avons. Elle nous guide pour l'avenir afin que nous ne répétions pas ces erreurs.

(1750)

M. Inky Mark: Madame la Présidente, le député a tout à fait raison. Espérons que la Charte canadienne des droits et libertés nous protégera à l'avenir.

Cependant, nous devons accepter la réalité historique. Le projet de loi défend le principe voulant que, dans toute affaire où il y a lieu de réparer des préjudices, tant que le pays n'admet pas ses torts, il est comme l'alcoolique qui ne veut pas reconnaître qu'il a un problème et qui, de ce fait, ne peut pas envisager l'avenir. Je pense que les Canadiens attendent plus de magnanimité de la part de leur gouvernement.

L'hon. Sarmite Bulte (secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Madame la Présidente, le gouvernement du Canada comprend les émotions vives qui sont à l'origine des demandes de réparation pour des incidents qui se sont produits dans le passé, au pays. En tant que Canadiens, nous avons tous la responsabilité de tirer les leçons nécessaires des erreurs commises dans le passé et de veiller à ce que les moments sombres de l'histoire de notre pays ne se répètent pas.

Je suis très bien placée pour comprendre les questions dont nous parle aujourd'hui le député d'en face. Dans ma circonscription, Parkdale--High Park, se trouvent de nombreux Canadiens d'origine ukrainienne, et j'ai parlé de ce sujet avec des membres de cette communauté.

La Loi sur le multiculturalisme canadien établit les principes qui doivent présider à ces ajustements. Elle exige du gouvernement fédéral qu'il s'efforce d'instaurer l'égalité pour tous dans les sphères sociale, culturelle et politique au pays. Le programme du multiculturalisme met ces principes en pratique. Il aide à combattre le racisme et la discrimination, à abattre les barrières qui empêchent les Canadiens de participer pleinement à la vie de la société, à promouvoir la liberté et l'égalité des chances, à améliorer les relations entre les groupes et à favoriser l'harmonie sociale ainsi que le partage d'une identité canadienne commune.

L'accroissement de la diversité culturelle du Canada présente un nouveau défi: maximiser les avantages d'une société multiculturelle, ce qui demande un respect des différences et une volonté de s'adapter au changement.

Depuis l'adoption de la politique canadienne sur le multiculturalisme, en 1971, et de la Loi sur le multiculturalisme canadien, en 1988, la population du Canada a continué à se diversifier. Cette richesse de diversité ethnoculturelle, raciale et religieuse a été nourrie et appuyée par une politique solide qui encourage les gens à conserver leur culture et leur identité dans un cadre canadien qui met en valeur les droits et les libertés fondamentales.

Afin de suivre les besoins de notre société en constante évolution et de plus en plus diversifiée, le programme sur le multiculturalisme vise trois grands objectifs: l'identité, la justice sociale et la participation communautaire. Sous ces quatre grands objectifs, quatre priorités ont été cernées: encourager la compréhension entre les cultures, promouvoir la citoyenneté commune, faire en sorte que les institutions canadiennes reflètent mieux la diversité canadienne, et combattre le racisme et la discrimination.

Le gouvernement reconnaît que la création et le maintien d'une société solide et homogène exempte de racisme et de discrimination sont essentiels à la croissance et à la prospérité de notre pays. Dans le cadre de son engagement envers la lutte contre le racisme et la discrimination et de son approche prospective en matière de gestes historiques, le gouvernement du Canada a mis sur pied, en 1996, la Fondation canadienne des relations raciales. Comme les députés le savent, cette fondation est un outil important pour l'établissement d'une société ouverte à tous fondée sur l'harmonie sociale. En mettant sur pied cette fondation, nous nous sommes engagés à donner aux jeunes canadiens un avenir plus prometteur et à nous tous un pays meilleur.

[Français]

La Fondation canadienne des relations raciales a pour mandat d'établir un cadre de lutte contre le racisme au sein de la société canadienne. La fondation fait la lumière sur les causes et les manifestations du racisme. Elle assure un leadership autonome et franc à l'échelle du pays. De plus, elle contribue à l'attente de l'équité, de l'impartialité et de la justice sociale.

(1755)

[Traduction]

La Fondation canadienne des relations raciales est l'articulation de l'engagement du gouvernement du Canada à encourager l'harmonie raciale et la compréhension interculturelle. La Fondation canadienne des relations raciales est essentiellement au coeur de ce que réclament la communauté ukrainienne et ce projet de loi : une fondation vouée à l'éducation du public.

Je me réjouis de pouvoir annoncer que, par le biais de la Fondation canadienne des relations raciales, de nombreux groupes ont reçu des subventions pour des initiatives concernant des projets particuliers de lutte contre le racisme. À l'instar de la Fondation canadienne des relations raciales, le gouvernement du Canada a lancé et continuera à lancer des initiatives visant à améliorer la compréhension entre les Canadiens, telles que la Campagne du 21 mars du ministère du Patrimoine canadien, qui vise à sensibiliser les Canadiens aux dangers que présentent le racisme et la discrimination raciale.

La Campagne du 21 mars a été instituée pour répondre au besoin d'une plus grande sensibilisation aux effets néfastes du racisme à l'échelle nationale et pour démontrer clairement que le gouvernement fédéral tient à encourager le respect, l'égalité et la diversité et qu'il veut prendre les rênes à cet égard.

Depuis plus de 10 ans, la Campagne du 21 mars mobilise des jeunes de toutes les régions du pays pour qu'ils s'expriment et se prononcent contre le racisme. Par leur participation à la campagne, les jeunes Canadiens disent haut et fort et avec éloquence qu'il n'y a pas de place pour le racisme dans leur vie.

[Français]

Le 21 mars de chaque année, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, de nombreuses activités visant à sensibiliser davantage le public au problème du racisme sont organisées partout au Canada.

Le concours national de vidéo « Mettons fin au racisme! » est l'un des moyens utilisés par le gouvernement fédéral pour mener la lutte contre le racisme et inciter des milliers de jeunes de tous les coins du Canada à se mobiliser et à dénoncer ce problème.

[Traduction]

Pourquoi les jeunes? Les jeunes sont l'avenir de notre pays. Ce n'est qu'en nous tournant vers l'avenir que nous pourrons réaliser notre objectif commun, qui consiste à éradiquer le racisme et la discrimination.

Nous savons que les jeunes sont le coeur et l'âme de la campagne annuelle du 21 mars. Ils possèdent l'énergie, l'engagement et la créativité qu'il faut pour faire progresser la lutte contre le racisme. Ils sont la voix du présent et aussi de l'avenir. Ils comptent parmi les personnes les plus exposées au racisme dans leurs écoles et dans les rues des villages et des villes de tout le Canada. La Campagne du 21 mars invite les jeunes à transcender les frontières de la race, de l'ethnicité et de la religion et à embrasser la diversité.

D'un point de vue historique, notre pays est l'incarnation du rassemblement de nombreux peuples et de nombreuses traditions. C'est à cause de la diversité passée et actuelle de nos antécédents et de nos origines que le Canada a appris au fil des ans à accorder une place prépondérante au respect, à l'égalité et à l'acceptation mutuelle. Voilà ce qui distingue le Canada des autres pays.

Ce qu'il faut faire, c'est préserver ce que l'expérience antérieure nous a permis d'acquérir, éviter d'assimiler cette diversité de manière à l'insérer dans un moule simple et mettre en valeur cette diversité pour le bien commun.

À l'aube de ce nouveau millénaire, ce sont les jeunes de la planète qui sont prêts à nous guider pour nous faire sortir de l'intolérance qui, dans le passé, a trop souvent été à l'origine de terribles souffrances humaines.

Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance de comprendre et de préserver toute notre histoire, y compris les épisodes où nous nous sommes écartés de notre attachement commun à la justice humaine. Par l'intermédiaire de divers ministères et divers programmes, il a appuyé un éventail de projets commémoratifs qui ont aidé la communauté ukrainienne à raconter son histoire de sa propre voix.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui prévoit la commémoration d'événements historiques par l'installation de plaques commémoratives dans des camps de concentration. Je tiens à ce que les députés sachent que Parcs Canada a déjà collaboré avec les Ukrainiens-canadiens pour présenter l'histoire de l'internement survenu lors de la Première Guerre mondiale.

Dans le cadre d'une exposition portant sur l'interprétation des événements associés à l'internement lors de la Première Guerre mondiale dans le contexte de l'histoire humaine du parc national Banff, plusieurs panneaux d'interprétation ont été intégrés à l'exposition permanente au lieu historique national Cave and Basin ainsi que dans les parcs nationaux Mont-Revelstoke et Yoho.

Parcs Canada a également appuyé les Ukrainiens-canadiens dans leurs efforts pour installer une plaque et une statue permanentes au camp Castle Mountain, à Banff, ainsi que des plaques permanentes aux camps Jasper, Mount-Revelstoke et Yoho. Le ministère de la Défense nationale a également autorisé l'installation d'une plaque au Niagara Falls Armoury.

L'Office national du film du Canada a produit un film portant à la fois sur l'internement et l'exil et qui comportait un épisode intitulé Freedom Had a Price, qui décrivait les événements vécus par des immigrants ukrainiens au cours de la Première Guerre mondiale.

De plus, Patrimoine canadien a financé la production d'une série télévisée intitulée A Scattering of Seeds, qui rend hommage à la diversité canadienne et traite de différents sujets, y compris l'internement d'immigrants ukrainiens.

Oui, les Canadiens d'ascendance ukrainienne ont eu à relever des défis depuis qu'ils vivent au Canada. Nous reconnaissons ce chapitre de notre passé et nous nous engageons à ne jamais l'oublier.

Le député d'en face dit que rien n'a été fait, mais beaucoup a été fait. Lorsque j'étais la secrétaire parlementaire de l'ancienne ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, elle a invité la communauté ukrainienne à venir la rencontrer avec ses fonctionnaires et un dialogue a été engagé. Il y a beaucoup à faire? Absolument. Le dialogue a été ouvert. Continuons à dialoguer.

(1800)

[Français]

Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Madame la Présidente, je voudrais commencer par profiter de ce moment, puisque le projet de loi C-331 concerne l'Ukraine, pour encourager tous les Ukrainiens présentement en lutte pour le salut de leur démocratie à continuer ce dur combat.

La liberté des peuples ne connaît pas de chemin facile. C'est pourquoi je veux profiter de cet instant pour réaffirmer l'appui du Bloc québécois à tous les gens qui défendent présentement leur droit à la démocratie. En 2004, chaque nation doit pouvoir choisir son gouvernement. Aucune pression ni fraude ne doit travestir la volonté populaire.

Je voudrais également féliciter le Parlement canadien pour une deuxième fois en autant de semaines, car une fois encore, il s'apprête à corriger une erreur qu'il a commise par le passé. La semaine dernière, c'était pour réparer une erreur de jugement lors de l'établissement d'une loi il y a 25 ans. Aujourd'hui, même si les événements reprochés remontent à plus de 90 ans, il s'agit de corriger un comportement indigne d'une société démocratique.

Au début du siècle, l'histoire a connu de très grandes victoires, mais elle a également connu des jours des plus sombres. Nous devons aujourd'hui nous arrêter sur l'un d'eux. Je ne veux en rien oublier les valeureux combattants qui sont allés combattre en Europe. Ils étaient debout sur un des fronts les plus durs que l'histoire a produits. Ils ont donné leur vie pour des idéaux plus grands que le monde lui-même, et cela, il ne faut jamais l'oublier.

Le projet de loi C-331 parle de la condition de plus de 5 000 pauvres gens qui ont fui des conditions de vie indignes et qui ont immigré au Canada de 10 à 20 ans avant les événements de 1914-1918. Ils ont été par la suite placés dans des camps de travail durant la Première Guerre mondiale. Par le biais d'un décret en conseil, le statut de ceux qui ne possédaient pas leur certificat de naturalisation a été changé. Ils sont devenus des « ennemis étrangers » parce que leur territoire d'origine était sous l'emprise de l'empire austro-hongrois. Ils n'étaient plus seulement Ukrainiens, peuple en exil, tels qu'ils étaient arrivés. Ils sont devenus des Autrichiens, nation ennemie du Canada.

Nous comprenons que le Canada a respecté tout au long de cette expérience pénible ses engagements internationaux sur le traitement des prisonniers de guerre. Nous ne partageons pas l'opinion qu'ils en étaient. Nous nous interrogeons grandement sur le fait que ces camps aient perduré jusqu'en 1920, alors que la guerre était terminée depuis quelques années. Toutefois, le fait de s'abriter sous des traités et des conventions n'excuse pas le fait que le traitement réservé à ce peuple n'est pas digne d'un pays démocratique. Les événements reprochés au Canada doivent être reconnus. Les oublier, c'est courir le risque de les répéter.

Je vous rappelle que ces prisonniers étaient sujets aux travaux forcés, aux rations, aux couvre-feux. Ils n'étaient pas que des prisonniers de guerre; ils étaient des personnes contraintes au travail. On les a enfermés dans des camps de travail et on les a privés de liberté. Le gouvernement canadien en a bien profité. Il s'est servi de cette population sans défense pour construire ou réparer les habitations, défricher, égoutter, confectionner des routes pour relier un domaine aux chemins publics, etc. À la sueur de leur front, ces travailleurs forcés ont été honteusement exploités par le Canada. Il est plus que temps pour le gouvernement de reconnaître cette tache dans son histoire.

Je veux rappeler que nous ne les avons pas faits prisonniers parce qu'ils se battaient contre nos troupes, outremer ou sur notre territoire, car il n'y a jamais eu un seul combat contre ces ennemis et cet État qui les a ainsi emprisonnés.

Nous les avons faits prisonniers parce qu'ils étaient de l'empire austro-hongrois et parce qu'ils possédaient un des papiers autrichiens. Peut-on reprocher à un peuple qui n'a jamais eu la possibilité de choisir sa propre destinée d'être responsable de la couleur du passeport qu'il détient? Nous pensons que non, et c'est pourquoi nous croyons que le projet de loi C-331 est plein de bon sens.

Qui plus est, ce peuple qui fuyait la misère et qui est venu ici à la recherche d'une meilleure vie, nous l'avons accepté comme peuple immigrant. Les Ukrainiens faisaient partie à part entière du plan d'immigration de l'époque. Nous leur avons ouvert les portes et les avons ensuite mis en cage. Nous leur avons dit « venez » et ensuite nous leur avons dit « travaillez », à la pointe d'une carabine. À nos yeux, il s'agit d'un bel exemple d'absurdité du Canada dans ses politiques d'immigration.

(1805)

Le Bloc québécois dénonce et déplore le traitement que le Canada a offert aux Ukrainiens, mais nous sommes fiers de participer au débat sur un projet de loi qui saura réparer un comportement inexplicable d'un pays qui se voulait déjà, à l'époque, ouvert et moderne.

Nous joignons donc notre voix à tous ceux et celles qui souhaitent rétablir leurs noms personnels, le nom du gouvernement canadien, et qui veulent s'excuser de cette décision indigne adoptée par décret. Nous demandons à tous les députés de cette Chambre de donner leur accord sur le principe du projet de loi C-331.

Il n'est jamais trop tard pour apprendre des erreurs du passé, et encore moins pour s'en confesser, puis les corriger. Le Parlement s'offre aujourd'hui une chance à côté de laquelle il ne doit pas passer. Nous l'enjoignons d'aller plus loin que des petites plaques installées ça et là parmi les plaques touristiques des parcs nationaux. C'est ce qu'il a fait de mieux à ce jour pour s'excuser de cette erreur de jugement monumentale sur une population innocente. C'est effectivement insultant.

Nous avons installés ces invités dans des camps de travail et les avons fait travailler indignement. Cela est de l'esclavagisme.

Au XXe siècle, dans n'importe quel pays, l'esclavagisme est un crime trop grave pour qu'on fasse comme s'il n'avait jamais eu lieu. Je défie quiconque assis dans cette Chambre qui oserait affirmer le contraire. Quatre-vingt-dix ans de sourde oreille est déjà un autre crime en soi. Il est temps de dire au monde entier que le Canada n'est pas d'accord avec des décisions qu'il a déjà entérinées.

L'Ukraine n'était pas une nation ennemie; elle était une nation invitée. Nous les avons accueillis comme telle, leur souhaitant la bienvenue. Nous leur avons offert le territoire, le droit au travail, au logement, puis, d'un coup, les leur avons enlevés. Les camps de travail sont une chose digne d'une nation fasciste, pas d'une nation libre et démocratique. Le traitement indigne et abominable que l'on a fait subir à une nation venue ici en immigrants, invités, pourrait, en un autre lieu et en un autre moment, mériter une autre correction beaucoup plus sévère et empreinte de beaucoup plus de conséquences. Nous estimons que le gouvernement canadien possède une chance en or de s'en sortir la tête haute. Nous lui demandons ainsi d'appuyer le projet de loi et de prendre acte de ce qu'il signifie.

Ce Parlement pourra au moins, là-dessus, être responsable des actes passés. Le Parlement fédéral se doit de reconnaître les torts qui ont été causés à la communauté ukrainienne.

Membres de cette Chambre, consoeurs et confrères députés, ne répétons plus les erreurs du passé. Ne traitons pas les gens que nous invitons les bras ouverts en citoyens de deuxième classe. Ne leur donnons pas le privilège de devenir citoyens, mais reconnaissons leur plutôt le droit complet à la citoyenneté. Permettons-nous de reconnaître notre affront aux Ukrainiens. Soyons les hôtes que nous prétendons être. N'invitons pas d'une main pour rejeter de l'autre. Montrons-nous digne de la société de 400 ans d'histoire commune. Offrons cette richesse à tous ceux qui, pour des raisons de revers de l'histoire, n'ont pas eu la chance que nous avons eue ici en terre d'Amérique.

Le Canada doit être à la hauteur des idéaux qu'il défend. Il doit être capable de reconnaître lorsqu'il a fait des erreurs qui vont à contresens de ces idéaux. Pour que l'histoire ne se répète pas, il faut lui donner toutes les chances. En voici une belle. C'est un début. Reconnaître les torts du passé, c'est permettre de se tourner en toute justice et sérénité vers l'avenir.

(1810)

[Traduction]

M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole, au nom du Nouveau Parti démocratique, pour appuyer le projet de loi C-331, la Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne, présenté par le député de Dauphin—Swan River—Marquette. Je rends hommage à la persistance dont il a fait preuve pour enfin présenter ce projet de loi à la Chambre. Je tiens aussi à remercier ma collègue de Vaudreuil-Soulanges du discours qu'elle a prononcé de soir.

Ce projet de loi cherche à rendre justice aux Canadiens ukrainiens et autres européens de l'ancien empire austro-hongrois qui ont été emprisonnés dans des camps d'internement, au Canada, pendant la Première Guerre mondiale. Le nombre des personnes touchées s'élève à environ 9 000. Le projet de loi demande au gouvernement fédéral de reconnaître l'injustice qui a été commise et d'indemniser ceux qui ont été emprisonnés.

Ce projet de loi s'inspire d'une motion adoptée il y a 11 ans à la Chambre, motion qui avait été présentée par le député de Kingston-et-les-Îles. Il est malheureux que le projet de loi C-331 soit toujours nécessaire, étant donné que la motion a été adoptée à l'unanimité en 1991.

Au début de la Première Guerre mondiale, la loi sur les mesures de guerre a été mise en oeuvre; en vertu de celle-ci, près de 9 000 personnes au Canada ont été considérées comme des étrangers ennemis, rassemblés et mis dans des camps d'internement. Plus de 5 000 de ces personnes étaient des immigrants ukrainiens. Quatre-vingt huit mille autres Ukrainiens au Canada étaient obligés de se présenter régulièrement à la police et aux autorités responsables de la sécurité pendant cette période.

Entre 1914 et 1920, deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, ces gens ont été détenus dans 24 camps d'internement. Ils ont été forcés d'effectuer des travaux pénibles dans des conditions éprouvantes. Leurs biens ont été saisis et ils ont été assujettis à des persécutions sanctionnées par l'État.

On n'a jamais présenté de preuves que les Canadiens d'origine ukrainienne constituaient une menace pour le Canada. En fait, la Grande-Bretagne avait même informé le Canada en 1914 que les Ukrainiens devraient être considérés comme étant des étrangers amicaux.

Le projet de loi ne recherche pas une indemnisation directe des victimes de l'opération d'internement; il recommande plutôt des mesures d'ordre éducatif et commémoratif. Nous devons préserver le souvenir de ces événements. Notre mémoire collective de l'expérience des Canadiens d'origine ukrainienne au Canada nous aidera à faire en sorte que notre pays ne répète jamais cette erreur.

Le projet de loi C-331 prévoit l'installation de plaques commémoratives dans les 24 camps. Ces plaques décriraient les événements qui se sont produits dans l'histoire de l'internement. Il prévoit aussi la création d'un musée dans le parc national Banff, site d'un des plus grands camps d'internement.

L'infrastructure du parc dans ce magnifique site naturel a été partiellement édifiée par des gens condamnés à des travaux forcés. Lorsqu'on observe les merveilles naturelles du Canada, on devrait se souvenir de la contribution faite par les Canadiens d'origine ukrainienne internés.

Ce musée donnerait des informations sur le fonctionnement du camp et reconnaîtrait le rôle que les Canadiens d'origine ukrainienne ont joué dans l'édification du Canada à cette époque et continuent de jouer maintenant.

Le projet de loi C-331 recommande aussi un paiement d'indemnisation en guise de dédommagement pour la confiscation de biens et d'éléments d'actif faite à l'encontre des Canadiens d'origine ukrainienne. On leur a enlevé beaucoup, mais ce n'est pas toute la richesse confisquée qui leur a été rendue.

Ce paiement servirait à élaborer et à produire du matériel d'éducation dénonçant l'intolérance raciale et la discrimination, qui serait envoyé aux écoles et universités. Ce matériel devrait refléter et promouvoir les valeurs de la Charte canadienne des droits et des libertés, prendre appui sur la compréhension d'autres religions et cultures et, en dernière analyse, protéger les Canadiens contre des injustices à l'avenir. D'autres projets éducatifs pourraient être mis au point en consultation avec l'Ukrainian Canadian Civil Liberties Association et le Congrès ukrainien canadien.

De plus, un ensemble de timbres commémoratifs seraient émis. Cela servirait encore une fois à préserver la mémoire et à garantir qu'aucun traitement injuste de cette nature ne survienne à nouveau en sol canadien.

Enfin, le projet de loi demande un examen de la Loi sur les mesures d'urgence par le ministre de la Défense nationale, qui doit faire rapport à la Chambre et soumettre d'éventuelles modifications législatives qui préviendraient des atrocités similaires à l'avenir.

Dans ce monde de l'après 9 septembre où la sécurité est la priorité numéro un pour de nombreux Canadiens et notre gouvernement, je trouve cela particulièrement percutant. Nous ne devons pas mettre en oeuvre des mesures de sécurité draconiennes fondées sur l'origine ethnique, le pays d'origine ou les croyances religieuses des individus, au détriment de leurs droits et de leur dignité.

J'aimerais pouvoir prendre la parole aujourd'hui et dire clairement que nous avons tiré une leçon de nos erreurs. Je crains toutefois que les modalités concernant les attestations de sécurité, la détention de certains Canadiens et d'autres personnes au Canada, les règles spéciales concernant la preuve et les procès maintenant autorisés au Canada ne nous amènent encore une fois sur cette voie. Je crains que le profilage racial de certains Canadiens ne nous mène à cela encore une fois.

Je crains que les propositions visant à permettre la révocation de la citoyenneté canadienne ne créent un système où il existera deux catégories de citoyens canadiens. Je suis heureux que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration se soit prononcé très clairement sur cette question particulière et sur les propositions faites dans le passé.

Ce sont là autant de questions que nous devons examiner en tenant compte de l'expérience des Canadiens d'origine ukrainienne. Si ce projet de loi est adopté, ce sont là des questions qui seront peut-être abordées dans le cadre du travail de sensibilisation qui sera entrepris.

Les Canadiens s'enorgueillissent, à juste titre, du caractère multiculturel de notre société. Par la même occasion, nous reconnaissons que nous n'avons pas toujours réservé un traitement égal à tous les groupes. Nous ne devons pas oublier les Japonais qui ont été internés pendant la Seconde Guerre mondiale et pour lesquels des excuses et des mesures de redressement ont été négociées.

Nous ne devons pas oublier l'expérience des Canadiens d'origine chinoise qui ont dû payer une taxe d'entrée et qui ont été assujettis à la loi visant à restreindre l'immigration asiatique. J'espère que le Parlement s'occupera bientôt des mesures de redressement à l'endroit des personnes d'origine chinoise qui ont payé la taxe d'entrée. Il faut aussi que justice soit enfin rendue envers ces Canadiens d'origine chinoise.

(1815)

En 1970, nous avons vu le traitement choquant qui a été réservé à des citoyens canadiens aux termes de la Loi sur les mesures de guerre.

Je sais qu'il ne reste plus qu'une personne d'origine ukrainienne qui a été détenue à l'époque et qui est encore en vie aujourd'hui. Mary Manko Haskett a été détenue au camp d'internement de Spirit Lake, au Québec. J'ai été ému par le plaidoyer écrit qu'elle a présenté en 1994. Elle a notamment expliqué que le camp de Spirit Lake ne figurait plus sur les cartes du Canada. Elle n'a pas pu montrer à ses enfants et à ses petits-enfants où cela se trouvait sur une carte de notre pays.

Pendant que Mme Haskett était détenue, un autre Canadien d'origine ukrainienne combattait en Europe dans les rangs des Forces armées canadiennes. Philip Konowal est né en Ukraine en 1887 et a immigré au Canada en 1913. En août 1917, il a reçu la Croix de Victoria pour ce qu'il avait fait durant une bataille en France. M. Konowal est revenu au Canada et est devenu un employé de la Chambre des communes, où il a travaillé jusqu'à son décès en 1959. Des plaques commémoratives honorant M. Konowal existent ici à Ottawa ainsi qu'à Toronto et à New Westminster en Colombie-Britannique. C'est vraiment paradoxal de voir que, pendant que beaucoup de Canadiens d'origine ukrainienne étaient internés dans des camps ici au Canada, M. Konawal se distinguait comme membre extraordinaire des forces armées du Canada en Europe.

Nous pouvons choisir. Nous pouvons laisser s'estomper notre mémoire collective de l'internement des Canadiens, pour devenir comme cette carte qui ne montre plus l'emplacement du camp de Spirit Lake, ou encore nous pouvons nous souvenir et célébrer les nombreuses contributions des Canadiens d'origine ukrainienne à notre pays, des personnes comme M. Konowal.

Nous devons prendre des mesures pour veiller à ce que cette partie troublante de notre histoire ne soit pas oubliée, à ce qu'il y ait réparation et à ce que de tels événements ne se reproduisent pas, en nous en souvenant et en nous rappelant les droits humains fondamentaux de tous les Canadiens. Voilà comment je vois l'objet du projet de loi C-331.

Je répète que le NPD est heureux d'appuyer ce projet de loi. Nous étions en faveur de la version antérieure du projet de loi déposée pendant le 37e législature. Par ailleurs, nous avons dit clairement pendant la récente campagne électorale fédérale que nous étions pour l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne emprisonnés pendant la Première Guerre mondiale.

Nous sommes d'avis que le Parlement et le gouvernement devraient agir dès aujourd'hui pour reconnaître et préserver la mémoire de ce triste incident de notre histoire ainsi que d'autres semblables. Nous devons faire tout ce qu'il faut pour que ce malheureux épisode ne se répète pas, pour qu'aucune autre minorité ethnique ou religieuse ne souffre comme ont souffert les Canadiens d'origine ukrainienne. En agissant ainsi, nous pourrons célébrer les nombreuses contributions des Canadiens d'origine ukrainienne à notre pays.

Au cours des dernières semaines, les députés et les citoyens de tout le pays, et du monde entier, ont suivi de près les événements qui se déroulent en Ukraine. Nous avons exprimé nos inquiétudes et notre espoir qu'il y aura des élections justes et démocratiques en Ukraine. Par cette mesure législative, nous pouvons montrer aux Canadiens et aux populations dans le monde que nous sommes un pays qui peut reconnaître les défis et les défauts qui ont marqué notre propre histoire et que nous faisons ce qu'il faut pour qu'il y ait justice, égalité et liberté pour tous les Canadiens.

(1820)

[Français]

M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC): Monsieur le Président, je suis très heureux et très fier de participer à ce débat très important sur le projet de loi proposé par mon collègue, le député de Dauphin—Swan River—Marquette.

[Traduction]

Je tiens à le remercier personnellement d'avoir représenté le Parti conservateur au cours de ce débat et je le félicite de la fougue avec laquelle il défend cette question et bien d'autres. Je le perçois, à l'instar des électeurs de sa circonscription, comme l'un des députés les plus diligents et les plus consciencieux de la Chambre des communes.

Cette mesure législative vise à corriger une injustice historique. De toute évidence, la restitution et la réparation sont une partie essentielle du processus. Nous ne pourrons jamais revenir en arrière et en quelque sorte redonner les vies, les biens, le temps et les intérêts perdus aux gens d'origine ukrainienne qui ont souffert à cause des décisions d'un gouvernement canadien.

Je trouve assez paradoxal, comme l'ont mentionné d'autres députés qui ont abordé la question avec éloquence, de voir, en ce moment même, en Ukraine, des dissensions et des troubles énormes et une vague de changements historiques. La décision historique de reprendre l'élection présidentielle augure bien pour l'avenir et je suis très confiant.

Je profite de l'occasion pour féliciter ces Canadiens et Canadiennes qui participeront au processus et qui contribueront à la réussite des institutions démocratiques en Ukraine.

La liberté et la volonté expresse de reconnaître les erreurs du passé devraient être les fondements de la démocratie. Ce qui importe le plus dans ce débat, c'est que nous soyons prêts à reconnaître l'injustice faite, au cours de la Première Guerre mondiale, à des gens originaires d'Ukraine ou d'autres pays européens. Ce projet de loi est un premier geste important dans le processus de réparation des torts causés à une génération d'Ukrainiens qui ont été sacrifiés alors qu'ils n'avaient commis aucune faute. À cette époque, simplement à cause de leur pays de naissance ou d'origine, ces gens ont été stigmatisés et retirés de la société canadienne.

Les Canadiens, à juste titre, sont fiers de leur pays pour sa diversité culturelle. Nous mesurons notre réussite selon l'interprétation de nos citoyens, de nos alliés et de la communauté internationale dans son ensemble. En tant que société multiculturelle au sein de laquelle la liberté de parole ne dépend pas de l'ethnie, nous savons que notre pays est reconnu comme l'un des meilleurs pays au monde. Nous ne devrions pourtant jamais tenir cela pour acquis.

Comme nous avons pu le constater dans notre histoire, notre pays a connu des jours noirs. On a déjà parlé de l'internement des Canadiens d'origine japonaise et chinoise. Nous avons malheureusement vu des gens fuir leur foyer en raison de l'oppression qu'ils subissaient et des bateaux entiers de réfugiés d'origine juive provenant d'Allemagne ont été retournés durant la Seconde Guerre mondiale.

Cela s'inscrit dans cette catégorie. C'est un autre chapitre noir de l'histoire canadienne qui malheureusement n'a pas été écrit.

Comme l'a indiqué mon collègue de Dauphin--Swan River--Marquette, cet exercice vise simplement à rétablir les faits ou du moins à reconnaître ce qui s'est produit. Nous ne pourrons nous en remettre si nous continuons de le cacher. Cette situation n'est pas survenue du jour au lendemain. Ce fut un long processus. C'est quelque chose qu'on a mis de côté, et pendant des générations on a tout simplement tenté de l'oublier.

Toutefois, la motion de mon collègue n'est pas sans précédent. Dans le passé, le gouvernement a pris des mesures pour redresser les injustices du passé. Cela s'est produit dans le cas des Canadiens d'origine japonaise qui ont été internés. Il existe un précédent très concret qui peut nous servir d'exemple, à savoir la perte de biens subie par ces derniers durant la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement conservateur de l'époque a profité de l'occasion pour faire ce qui s'imposait. Je crois que cela est en bonne partie à la base de l'objectif du projet de loi: faire ce qui s'impose en s'occupant de la question.

Contrairement à d'autres questions de reconnaissance, la motion ne demande pas d'indemnités financières précises pour les personnes ou les familles victimes de ce sort, quoique cela pourrait être justifié. Le projet de loi presse plutôt le gouvernement de remettre ce qui a été injustement pris et de rétablir les faits dans les manuels scolaires en ce qui concerne les politiques et activités du Canada en matière d'internement dans le passé.

On me dit que les biens personnels enlevés ou confisqués s'élevaient à quelques millions de dollars. Il s'est agi de machines agricoles et d'effets personnels, qui ne pourront jamais être remplacés, vu leur grande valeur sentimentale. Ceux qui ont été internés ont dû travailler sans rémunération, phénomène qui a été souligné et qui n'a même jamais été imposé à des prisonniers de guerre.

Dans notre pays, nous aimons déclarer que nous sommes une société tolérante et que la Charte canadienne des droits et libertés protège les lois des minorités à l'intérieur de nos frontières. Mais, à cette époque, ces mesures de protection n'existaient visiblement pas. Durant la guerre, entre les années 1914 et 1920, le gouvernement du Canada a injustement confisqué des sommes d'argent et des biens en quantités inconnues à des Ukrainiens et à d'autres Européens. Cet argent ne leur a jamais été rendu. Ce projet de loi obligerait le gouvernement à rendre au moins la valeur actuelle de ces biens; la somme serait affectée à divers projets éducatifs grâce à cette mesure incitative que constitue un projet commémorant cette injustice historique.

(1825)

On me rappelle la loi intitulée War Times Election Act, en vertu de laquelle on a dépouillé 140 000 Ukrainiens de leur droit de vote, autre élément déshumanisant pour eux, à cette époque.

Mon collègue du NPD m'a signalé le nom de Philippe Konowal, titulaire de la Croix de Victoria, Canadien d'ascendance ukrainienne à qui l'on a accordé la plus haute distinction militaire. Quelle perversité et quelle ironie de l'histoire, il est revenu dans son pays oeuvrer pendant des années, ici même à la Chambre des communes, ayant tant donné à son pays, pour finalement y voir interner ses compatriotes d'ascendance ukrainienne. Dans beaucoup de cas, ils ont été emmenés loin de leur domicile vers différentes provinces, à des milliers de milles, pour y être internés.

À mon avis, il est très important de se rendre compte que ce projet de loi bénéficiera à l'ensemble du pays. Rien ne peut remplacer l'éducation. Si nous voulons éviter les erreurs du passé et si nous ne voulons pas commettre les mêmes erreurs dans l'avenir, nous devons tirer des leçons des événements passés, non seulement en reconnaissant l'injustice faite aux Canadiens d'origine ukrainienne ou européenne, mais aussi en construisant un musée permanent dans le parc national Banff, témoin permanent grâce auquel les générations futures pourront apprendre de ces erreurs. Nous enverrions à ces générations futures un message de tolérance et de compréhension.

Selon mon grand-père, qui a rencontré quelques-uns des Ukrainiens débarqués au quai 21 de Halifax pour aller travailler dans les forêts de la Nouvelle-Écosse ou pour aller peupler l'Ouest, les Ukrainiens comptaient parmi les Canadiens les plus travaillants, les plus consciencieux et les plus industrieux de sa génération. Encore une fois, le simple fait de reconnaître les événements constitue un pas de géant en vue de redonner leur dignité aux familles des Ukrainiens qui ont été internés.

Ce projet de loi, notamment l'alinéa 2(1)a), demande au gouvernement d'installer ces plaques dans les camps de concentration, qui n'appuient pas de telles initiatives à l'heure actuelle, afin de décrire les événements qui s'y sont déroulés et d'exprimer la peine des Canadiens d'aujourd'hui. Ces plaques seraient évidemment dans les deux langues officielles, ainsi qu'en Ukrainien. À la porte d'entrée de l'Amérique du Nord, j'ai fait mention du Quai 21 qui serait un endroit approprié pour commémorer ces injustices.

Je sais que le député de Dauphin—Swan River—Marquette vient également d'une région dont la diversité culturelle fait la richesse. Grâce à son travail acharné et à sa persévérance, il a présenté le projet de loi à plusieurs reprises. Le fait que ce projet de loi a également déjà été présenté sous forme de motion par l'actuel Président de la Chambre des communes en 1991 est digne de mention. Le livre Canada's Ukrainians: Negotiating an Identity contient un chapitre sur le peuplement des Prairies. Comme le député le sait bien, c'est exactement ce que les Ukrainiens ont fait. À leur arrivée au Canada, ils se sont établis au Manitoba, dans les circonscriptions de Dauphin, de Shoal Lake, de Cook's Creek et de Whitemouth, entre autres, et ont voyagé jusqu'aux grands centres. La grande majorité est demeurée en milieu rural pour exploiter la terre. Sans ces colons, le Canada ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.

Tous les députés devraient appuyer sans hésiter ce projet de loi qui porte sur notre histoire et qui rectifie cette injustice. Le Parti conservateur, de par la composition de son caucus, se veut également le reflet de la diversité culturelle du Canada. Nous appuyons avec vigueur les efforts de notre collègue.

Ce projet de loi représente un grand pas vers la rectification de la pratique injuste d'interner les Ukrainiens et les autres Européens. Je suis fier d'appuyer mon collègue, le député de Dauphin—Swan River—Marquette, et ses efforts en vue de faire adopter cette rectification historique, cette mesure de guérison, que représente ce projet de loi. J'invite tous les députés à faire de même.

(1830)

Le président suppléant (M. Marcel Proulx): Le temps prévu pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulé et l'article retombe au bas de la liste des priorités du Feuilleton.

Barbed Wire


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